Un siècle après leur départ, les moines de l'abbaye de Jumièges marquaient encore les esprits. En témoigne cet article d'un agriculteur publié le 1er mars 1898 dans le Journal de Duclair.

Vous voudrez bien permettre à un agriculteur de Jumièges de vous donner quelques notices au sujet du pommier dont vous parliez dernièrement.

A Jumièges, vers le VIIe siècle, les moines ont doté le pays de diverses espèces de bonnes pommes et poires et notamment le long du rivage ; les fruits tendres, tels que prunes, poires fondantes, et de bonnes variétés, qui se sont propagées abondamment ; de sorte qu’aujourd’hui, il y a de belles récoles dans certaines années.

Ce fut pendant un certain temps la richesse du pays, et l’on doit cela aux anciens Bénédictins de Jumièges. Eux ont disparu, mais les espèces de fruits ont resté en souvenir, et ce, avec les ruines de leur ancienne abbaye.

C’étaient eux qui avait apporté au pays la vigne, les pêches et les abricots ; ils ont même cultivé la vigne à Jumièges et au Mesnil et le vin passait pourêtre assez bon, surtout celui de Conihout.

C’est aussi au Religieux de Jumièges qu’est dû l’établissement du marché de Duclair, le mardi de chaque semaine, il y aura le 28 aoît prochain sept cents ans qu’il est établi.


Autre notice :

Jumièges a eu des famines affreuses en 1538, 1197, 1417 et en 1789 le boisseau de blé se vendait cette année-là au marché de Duclair, le 30 juin, 40 livres, ce qui ferait 80 la mine. A ce prix, combien de monde sans pain. L’on voyait des bandes affamées dans les champs cueillir des herbes pour manger. Cela ne devait pas valoir mieux qu’aujourd’hui la sciure de bois, le blanc d’Espagne etc., etc.  et autres mauvaises choses employées à fabriquer le pain.

Puisque nous parlons du pain, un mot : en 1867, au marché de Duclair, le blé valait 33 à 34 fr. le quintal, le pain 2 fr. 50 à 2 fr. 60 la douzaine. En 1896, le 20 octobre, le blé valait de 16 à 18 fr. le quintal et le pain 1 fr. 50 la douzaine, le blé valait moitié moins, mais le pain lui n’était pas diminué de moitié ; car la moitié aurait été de 1 fr. 25 à 1 fr. 30, donc diminution au préjudice du cultivateur seul. 

Nota


Manifestement, notre agriculteur vient de lire l'Histoire de l'abbaye de Jumièges, publié par Julien Loth. Qui était-il, ce paysan lettré ? Sever Boutard ?...


L.Q.

 

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