Ils étaient laboureurs, nos ancêtres. Sur quelques acres de terre. L'abbaye rythmait leur vie. Ils subissaient pestes et guerres comme une fatalité et s'en remettaient à leurs superstitions. Les voici sous le règne du Roi soleil, quand la France, par son bras armé, par son rayonnement intellectuel domine encore son monde...
Années
1610. Charles
Mainberte est néà l'époque de
l’assassinat d’Henry IV. C'est
mon septième arrière-grand-père, mon
plus ancien ancêtre maternel avéré. Je
ne puis l'imaginer qu'avec le visage de mon grand-père, mort
plus de 30 ans avant ma naissance et dont je ne possède que
deux portraits : les traits fins, le nez aquilin, le regard
perçant que l'on devine bleu...
Charles est de ces laboureurs qui se succèdent sur quelques acres de sablon. Terre aride, réfractaire au blé, enfantant avec peine grains et fourrages qui se vendent au marché de Caudebec. Chaque jeudi a lieu le marché de Jumièges qui attire foule considérable. Il en est ainsi depuis 1296, grâce à la bienveillance de Philippe Le Bel, touché par l'accueil des habitants. Le marché se tient face à l'abbaye.
Plus abondantes sont les récoltes dans les endroits marécageux. Seigle, avoine, vesce, lin, chanvre... Partout fleurissent les arbres fruitiers. On a souvent sa cressonnière. S'élèvent aussi des canards qui trouvent facilement preneurs sur le marché de Duclair auprès d'acheteurs de Rouen. Dans la capitale normande sont également prisés les veaux de rivière gemiégeois. Dans l'écurie des Mainberte, quelques chevaux. Dans les crèches, des bêtes à laine, à cornes.
1616,appelé par le prieur, Adrien Langlois arrivent à l'abbaye les bénédictins de Saint-Maur qui, par leur réforme, veulent rétablir l'étude et surtout la discipline. Archevêque de Rouen, abbé de Jumièges, François de Harley en a décidé ainsi pour tous les monastères bénédictins de son diocèse. Il se rendra plusieurs fois à Jumièges pour en mesurer les effets. Mais comme à Saint-Wanfrille et Boscherville, les Mauristes voient se lever contre eux les anciens.
1617, lors
d’un nouveau voyage, nul n’ose se risquer
à traverser la Seine tant les flots sont en furie. Lui, il
tente la traversée, se signe et calme
immédiatement l’impétuosité
des eaux. Le bruit de ce
« miracle » se
répandit dans toute la contrée. Si bien
qu’un médecin de Rouen, Monsieur de Gerente, en
fit une pièce de vers. Qui lui valut le prix du Palinod de
l’Immaculée conception. Et un bénitier
d’argent offert par Harley lui-même.
1620, drôle
de baptême à Anneville. L
e 9 février 1620 enterré le corps d’un
enfant que
Alizon Drouet a engendré le vendredy au paravant et que Jay
baptize le samedy a deux heures de nuict sans parrain ni marraine ni
aucunes cérémonies de l’eglise. Et
partant ledict enfant n’a poinct de nom
1629, les habitants du Mesnil demandent à
être
déchargés de la taille,
« attendu la ruine par eux soufferte par
l’impétuosité des vents et
débordement de la mer qui a couvert une grande partit des
terres de la dite paroisse et noyé les
grains ».
1631. Le prieur obtint que
tous
les habitants de la péninsule ne soient pas tenus de fournir
le logement aux gens de guerre ni le moindre secours. Quand, un peu plus tard, arriva une compagnie pour cantonner à Jumièges, mes ancêtres prirent les armes. Sans l'intervention du prieur, ils massacraient les soudards... A cette époque vivait un Thomas Mainberte.
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L'opposition à la venue de militaires est patente à travers cette anecdote que je n'ai malheureusement pas réussi à dater. Le syndic de la paroisse, sans doute également aubergiste, refusa un jour la venue de cinq voitures de l'armée. Pour le punir, on lui opposa durant 24 heures cinq cavaliers. Après leur départ, il fit le compte de leur consommation: 100 œufs, 10 livres de lard salé, 6 livres de bœuf, 15 livres de pain, 72 pots de cidre. Oui, 72 pots de cidre, à cinq, en 24 heures. Pas mal, non ? |
1) 800 à 900 âmes aux Sablons sur une lieue d’étendue.
2) 600 à 700 habitants au Conihout un lieu « éloigné d’une lieue et demie d’étendue et séparé de l’église par des marais qui sont affreux ».
3) 800 paroissiens à Heurteauville.
1639, dom Etienne Duval, moine non-réformé, fonde la confrérie du Rosaire pour raviver la piété des mes aïeux.
Maritime et marchande, la région est prospère mais ses habitants croulent sous les impôts. La révolte des “va-nu-pieds” éclate à Rouen, suivie d'une terrible répression orchestrée par Richelieu.
1640, la peste expédie ad patres encore quelque 1.200 habitants de la presqu'île. Parmi eux, quelques-uns de mes ascendants furent sans doute du nombre.
Un abbé âgé... de 6 ans !
1641, le Roi Louis XIII donna l'abbaye au fils du marquis de Coslin et petit-fils du chancelier de France, Pierre de Séguier. L'heureux bénéficiaire, nommé Pierre du Camboust, était âgé de 6 ans. Quand Becquet, lieutenant criminel du baillage de Rouen, vint prendre possession de l'abbaye en son nom, l'un de ses agents réclama la clef du chartrier. Refus des Religieux. L'affaire allait dégénérer en procès quand Becquet donna sur le champ raison aux religieux.
21 juillet 1644, Marguerite Mainberte épouse Philippe Savale. Elle est dite fille de feu Thomas Mainberte, peut-être aussi le père de Charles.
Charles
Mainberte sera peut-être le dernier de sa lignée
à cultiver la vigne. Le
dernier en tout cas à voir ses grappes quêter le
trop peu de soleil. Datant des Mérovingiens,
relancée par nos ducs, la pratique s'estompera ici vers
1650. Charles vivait à l'ombre de l'abbaye. Elle
était source de prospérité, de
sécurité. Mais de contraintes aussi. Les
abbés qui s'y succédaient n'étaient
pas toujours en odeur de sainteté.
A |
près
qu'une épidémie de peste eut
décimé grand nombre d'habitants, Charles connut
une époque agitée. Ce fut l’affaire du
Home qui, un
siècle, empoisonna les rapports entre religieux et
villageois et dont le paroxysme fut, en ces
années-là, l’assassinat d’un
moine. Charles connut aussi les troubles de la Fronde.
Début 1649, avec tous les habitants de la péninsule et nombre des environs, il dut se réfugier au monastère. De même que quelques nobles. Tout ce monde se relaya trois mois devant la porte pour monter la garde. 14 avril 1650, l'archevêque de Rouen, nommé abbé commendataire de Jumièges, François de Harlay, vint en personne confirmer dans l'abbatiale nombre de paroissiens de la presqu'île mais aussi de Duclair. Il passa la Seine à Port-Jumièges et fut accueilli par des salves de fusil. Sa suite est impresionnante : 25 personnes dont la moitié caracole à cheval à côté du carrosse épiscopal. Novembre 1650, un "flux de sang", dit-on, décima le quart de la population. Et voilà que 400 pauvres de l'Orléanais et du Blésois vinrent frapper aux portes de l'abbaye. Période sombre. Et une nouvelle sécheresse frappa la péninsule... |
Dans ce lieu fermé, perclus de légendes, peuplé de sorciers, les habitants nourrissent foule de superstitions. Le jour de la saint Jean-Baptiste, avant le lever du soleil, Charles Mainberte s'en allait pieds nus en prenant soin de ne point être vu. Et il arrachait dans le champ du voisin deux poignées de seigle pour les tresser en couronne. Son cheval souffrait-il de coliques, il passait le seigle autour du corps de la bête et, une fois l'évangile selon saint Jean marmonné, il lançait alors : "In principio !" L'animal devait bondir, guéri. Charles croit aux revenants. Et si le visage d'un proche lui apparaît en rêve, c'est qu'il est au purgatoire et invoque ses prières. De nuit, il ira déposer un bâton blanc sur la fosse du défunt, puis il se rendra jusqu'à la chapelle de la Vierge, dans la forêt. Sûr que le défunt l'accompagnera jusque là en priant avec lui ! Charles croyait aussi que de l'abbaye partaient d'interminables souterrains. Qu'il existait des cachots où étaient jetés les religieux irrespectueux de leurs vœux. On les y jetait avec un pain, une cruche, un cierge. La porte refermée à jamais, ces impies étaient abandonnés à la morte lente. |
Quelques jours plus tard, les pluies, bien entendu, fertilisèrent les terres de nos aïeux.
Cette année-là, François de Harlay revint confirmer ses ouailles. Mais, cette fois, il se fit précéder de deux jésuites, mal vus des bénédictins de Saint-Maur. Ils font ouvrir les portes de l'église Saint-Valentin à deux battants, sonner les cloches pour convoquer la population à leur prêche. Charles Mainberte est sans doute du nombre quand accourt le curé de la Brosse. Il vient de s’entretenir avec le prieur. « Partez, partez tous lance-t-il à la population ! Et vous de même », ajoute-t-il à l’adresse des deux disciples de saint Ignace.
400 Orléannais chassés de leur pays par la guerre ses sont installés à Jumièges
THOMAS LA FRONDE
4
juin 1653. Thomas
Mainberte, mon 6e arrière-grand-père, est
peut-être l'homme du même nom qui épousa
Marion Lefèbvre. Ce Thomas-là
vit s'élever dans le bourg "le château", c'est
ainsi que l'on appela le nouveau logis abbatial conçu avec
prétention. Il fut bâti hors du
monastère sur des terres acquises auprès de
plusieurs Jumiégeois. L'été
sera
caniculaire. Le 19 juillet, le procureur de l'abbaye, dom
Questel, est sur les routes et assiste à un
miracle.
6 octobre 1653, Valentin Mérite fut nommé chirurgien au bourg de Jumièges.
La descendance de Charles Mainberte Nous sommes sous le règne de Louis XIV. - Jean,
marié le 9
février 1654 à Madeleine Coti. -
Marie,
mariée le 14
février 1658 avec Pierre Tropinel, fils de Jean et Anne
Boutard.
- Thomas, mon
ancêtre qui suit. |
1656. Lors d'un nouvel inventaire des reliques de l'abbaye, on note une partie du crâne de sainte Bathilde, dans une figure d'argent, montée sqr un piédestal de bois plaqué d'ébène. |
Sacquespée conclut donc un marché avec le comte de Maulévier pour le jeune Louis Liénard qui était à son service. Il s'engageait « de bien et fidellement monstrer, enseigner l'art de peinture du mieux qu'il luy sera possible » pendant quatre années, à dater de la Toussaint de 1657. Sacquespée était tenu de « quérir, boire, manger, coucher son list et hostel et iceluy traitter comme apprentif ». Ce marché était conclu pour 200 livres tournois que le comte de Maulévrier lui paierait ; 150 livres représentant les « bons et agréables services qu'il dict luy avoir été faicts et rendus par le dit Liénard, par le passé » et les 50 autres livres par Charles Liénard, son père. Cette somme devait lui être payée un tiers au ler novembre 1657, un autre tiers au 1er novembre 1659 et le restant la dernière année de l'apprentissage. Au cas où le jeune Liénard s'en irait, avant l'expiration de ces quatre années, sans cause légitime, Sacquespée devait avoir la moitié des 200 livres à son profit, à condition que le jeune apprenti ait passé chez lui au moins une année
1659 nous vient un nouveau prieur, Dom Silvestre Morel, qui s’attache à couvrir d’ardoises la bibliothèque.
1662 vit une fièvre frapper les seuls habitants du monastère et l'on en fit le tour avec le chef de Valentin.1663,
les moines firent construire une digue de 1.500 pieds au
Conihout pour prévenir les ravages de la barre. Le chantier
dura cinq mois. On édifia aussi une nouvelle bibliothèque au sud du porche de l'église. A cette époque, le prieur visitait régulièrement les habitants pour s'enquérir de leurs besoins, distribuait pain, argent aux ouvriers les jours de fête et le dimanche, remettait des écus au curé pour les glisser après messe dans la main des pauvres honteux de mendier. 1665, c’est Jacques de la Brosse le curé de la paroisse. Il met en possession Robert James, religieux de l’abbaye, de la chapelle de Saint-Nicolas, Saint-Julien et Saint-Paul. |
L'exorciste
Thomas Mainberte était
encore en vie
quand un grand prédicateur aux mains tachées de
sang vint finir ses jours à Jumièges: Pierre
Barré, l'exorciste des possédées de
Loudun! A mesure qu'il avançait en âge, son esprit
s'enflamma manifestement de toutes les turpitudes entendues durant sa
vie en confession. Barré se mit, dit-on, à
aspirer aux jouissances interdites à sa profession. On ne
sait si les Jumiégeoises eurent à en
pâtir. Il est mort à 85 ans le 14
février 1665. |
1667. Après la Fronde qui a divisé le pays, les temps sont plus prospères. Colbert crée la manufacture royale des draperies d'Elbeuf.
Cinq enfants périssent noyés 9 décembre 1668, on inhume les enfants imprudents de trois familles de Jumièges. Le jour de la fête de la conception de Notre-Dame, ils se sont "noyés dans la rivière de Seine estant en trop grand nombre dans une petite barquette et tous revenant de la messe." Les victimes sont Marin de Longuemare, 22 ans, et sa sœur Jacqueline, 19 ans, enfants de Valentin. Nicolas Dehors, 15 ans et sa sœur Catherine, 19 ans, enfants de Pierre, Marie Chaillou, 19 ans, fille de Rolin. |
14 mars 1670, on assiste à l'abbaye à la translation dans une chasse d’argent des restes de saint Philibert offerts par les moines de Tournus neuf ans auparavant. Les quatre curés de la péninsule sont là. On fêtera désormais cette date tous les ans.
Septembre 1670, le tonnerre, une nuit, fut tel sur la presqu'île qu'il détruisit la grange du manoir d'Agnès Sorel. La veille était arrivé à Jumièges Jean Casimir, ancien roi de Pologne et de Suède, accueilli par des volées de cloches. Ce souverain avait abdiqué et était devenu abbé commendataire de l'abbaye de Fécamp, ce qui explique son passage à Jumiges.
1671, on
célébra une
messe d'action de grâces pour la guérison de
François Harlay. Prière publique, procession
solennelle autour du chœur durant dix jours. Les religieux
jeûnèrent et quand leur abbé alla
mieux, on rendit grâce à Dieu par une messe de la
Trinité à laquelle participèrent les
curés de Jumièges, Yainville, Mesnil, le Trait.
1671 est aussi l'année où s'acheva la construction du nouveau palais abbatial.
On arpenta dans ces années-là la forêt de Jumièges. L’expert nota sur son rapport douze arpents, dix-huit perches, y compris les places vagues et les chemins. On poussa les fidèles à se confesser et communier en la chapelle Saint-Philibert de Rouen le jour de sa fête moyennant indulgence plénière accordée par le pape Clément X.
1673, inauguration du nouveau palais abbatial par François de Harlay.
|
Du bruit à l’abbaye ! On démolit les vieilles infirmeries plantées au milieu du jardin, là, sur la première terrasse. On achève aussi la réfection de la voûte dans la grande église. 70 chênes furent abattus dans les ferme de Yainville et du Mesnil pour la charpente. |
17
janvier 1687 : Pierre Clérel fils du
chirurgien du même nom est reçu à son
tour pour le
bourg de Jumièges.
1688. L’époque
où la
verrerie semble prendre de l’extension en France. Deux gardes
du Roi ont obtiennent un brevet pour établir des fours
à Jumièges.
A cette époque, les curés de
la péninsule contestent aux moines de venir
prêcher dans les églises paroissiales lors des
fêtes patronales et des grands rendez-vous du calendrier
liturgique. Le pasteur de Duclair est le premier qui, en 1687, a brandi
l’étendard de la révolte. Histoire de
sous. On se dispute les offrandes des fidèles. Le 15 mai,
une sentence du baili de Rouen va désavouer les
autonomistes. Alors, à Jumièges, le
curé Viel boude les processions monastiques de la Saint-Marc
et des Rogations.
De
1688 à 1692 seront menées d'importantes
réparations dans la nef de l'abbaye où est
aménagée une fausse voûte en
plâtre et
en bois imitant pafaitement la pierre.
"Cette
voûte a
été construite en 1688 par un frère
donné
très habile charpentier nommé Gabriel Brunel,
mort
pulmonique le 2 mai 1699, âgé de 50 ans."
1690, Viel est obligé par
la justice
à venir, en tête de ses ouailles, chercher les
moines à l'abbaye et les accompagner en procession
jusqu’au lieu de la station. Défense lui
était faite de quitter le cortège avant que
toutes les oraisons eussent été
achevées au retour, en l'église du
monastère.
Ce fut aussi en ces temps que la marquise de la Mailleraye prétendit régner sur la Seine de Bliquetuit à Duclair. Un nouveau procès donna raison aux religieux.
1693. Thomas était-il encore en vie quand Jumièges connut une nouvelle épidémie, suivie l'année d'après d'une famine. La première année, une peste afflige tout le royaume, elle est aux portes de Jumièges. Les habitants de Saint-Wandrille ont déjà payé un lourd tribut. Dans la presqu’île, on s’attend au pire. Le prieur, Dom Martin Filland, exhorte alors les habitants à prier Dieu par l’intercession de Valentin, de rebâtir sa chapelle détruite depuis les guerres de religion. Neuf jours, on pria, neuf jours on fit stations. Jumièges, assure la légende, fut préservée quand partout autour on mourait.20 mai 1694, jour de l’Ascension, a lieu après vêpres une gigantesque procession. Aux côtés des curés de Jumièges, du Mesnil, de Yainville, ceux de Bliquetuit, de Guerbaville, de Duclair sont là aussi avec leurs paroissiens. Au soir, il pleuvait, cinq jours avant que Rouen ne fut arrosée, huit avant que Paris ne fit une procession à sainte Geneviève pour les mêmes raisons…
Eté 1694, sécheresse insolite en Normandie. Les moines réservent 4.389 boisseaux de froment, méteil ou seigle pour les habitants de la péninsule. Le cellérier verse 5.727 livres en argent, de la soupe dans 400 écuelles chaque jour. On pense que 500 personnes de la péninsule furent ainsi sauvées. C'est le cas de Jean Mainberte. Ce sont là les années sombres du Roi soleil.
Août 1695 mourut l’abbé François de Harlay en son palais archiépiscopal de Paris. Le siège abbatial va demeurer 21 ans vacant. A Jumièges, on nota aussi la mort d’un moine aveugle, véritable acète mystique, Dom Basile de Saint Germain.
1698 : Jacques Morin est préposé chirurgien à Jumièges
Octobre 1699. Jean Mainberte avait quelque 14 ans quand, en octobre, on refond trois des quatre cloches de l'abbaye qui se trouvaient félées. Le meilleur homme de l’art les accorda avec la première. Si bien que ce carillon était l'un des plus parfaits de Normandie. Quand il était mis en volée, Jean et ses semblables reconnaissaient cette phrase: "La taille est assise, de quoi la paierez-vous ? La taille est assise, de quoi la paierez-vous ?.." Alors, les trois cloches de la presqu'île et celle d'Heurteauville répondaient aux quatre vents: "De chanvre et de lin... De chanvre et de Lin..."
Maintenant ce siècle est si grand qui chevauche celui qui suit. Louis XIV a encore quinze ans à vivre...
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1700. Le vieux dortoir menace ruine. On l’abat avec le projet d’en élever un nouveau comptant 49 cellules. Une idée de Dom Dieudonné Buisson, grave prieur ne goûtant ni vin ni poisson. Mais poussant ses brebis à l’abstinence pour redistribuer aux indigènes indigents leur ration alimentaire. Le cellérier, Dom Marc Souché fit appel à un architecte de Rouen, Jacques Bayeux . On lui fournira les matériaux, le gîte, le couvert et 10 livres 10 sols pour chaque toise d'ouvrage. |
Alors que l'on démolissait les fondations du vieux dortoir, on découvrit dans une lame de plomb, fichée dans le pilier formant l'entrée d'une cave longeant le dortoir du Prieur le sceau d'un abbé de Lyre, Gilbert de La Haye. C'était le souvenir de son exil ici.
9
avril 1701 eut lieu une
cérémonie. Bénie par le prieur, la
première pierre du nouveau dortoir fut posée par
le plus pauvre de la paroisse. Il fut habillé de neuf et
l'on doubla de moitié l'aumône de la semaine afin
d'attirer la bénédiction de Dieu sur le chantier
et sur les ouvriers. En 1704, l’édifice
s’élève de 15 pieds et l’on
envisage de mobiliser 50 ouvriers. Mais dans la nef de
l’abbaye, la charpente menace. On craint pour la
voûte, l’orgue, un côté du
cloître. Alors, la main d’œuvre abandonne
le dortoir. Huit ans ! 28 décembre 1705. Jean est encore bien jeune quand un terrible ouragan dévaste les fermes. Il faut les réparer à leur tour. 1709 fut encore une année froide. La Seine charrie des glaçons, les chemins sont impraticables si bien que le 27 janvier, on doit inhumer une femme d'Heurteauville, Anne Hébert, à Guerbaville. |
Les affaires de l'abbaye L'abbaye de Jumièges, par retrait
féodal, acquiert en 1622 la ferme d'Épinay
près de Duclair. En 1654, elle achète
8,2 hectares et par clameur féodale un fief assis dans la
même localité. En 1667, à
Jumièges, elle obtient quelques pièces de terre
de l'avocat général au Parlement de Rouen Le
Guerchois. En 1706, l'ensemble des domaines du même officier
à Jumièges et Yainville, à
proximité avec la haute justice, passe entre ses mains pour
30 000 livres.
Enfin, en 1713 elle s'assure une petite terre à Duclair pour 2 000 livres, somme que lui a remboursée M. de la Blandinière pour prêt que les religieux lui avaient consenti en 1683. |
1711 le chirurgien de Jumièges est
un nommé Claverie
Pâques
1712 à la fête qui
eut lieu le 27 mars, le sieur Bayeux fut invité à
reprendre les travaux du dortoir. Début avril, une
poignée d’ouvrier fit lentement évoluer
le chantier. Des années…
Une école de filles Jumièges
compte à cette époque une école de
garçons mais aussi une école de filles. La
maîtresse de cette dernière est logée
et nourrie aux frais de l'abbaye.
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24
janvier 1713, à
28 ans, Jean
Mainberte épous, le Marie
Magdelaine
Dossier. Elle était la fille de Jean Dossier et Marie
Bressée, originaires d'Ectot-lès-Baons,
près de Yerville, ancienne dépendance de l'abbaye
de Fontenelle. Les Dossier marièrent à Jumièges trois autres de leurs enfants qui établirent ici une importante descendance. Les frères et sœurs de mon aïeule qui formèrent alors clan avec les Mainberte étaient Jean, marié en 1711 avec Marie Hue, Marie, mariée en 1708 avec Jean Neveu, Anne, mariée en 1700 avec Louis Nobert. |
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1715
: cette fois, le grand siècle s'éteint. On
enterre
Louis XIV, de nuit, à la lueur des flambeaux. Voici le
siècle des Lumières...
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